L’utérus artificiel est né : bienvenue dans le monde de la Matrice

Des chercheurs à Tokyo ont mis en place une technique appelée grossesse extracorporelle. Ils ont pris des fœtus de chèvres, ont enfilé des cathéters dans les gros vaisseaux du cordon ombilical et ont alimenté les fœtus avec du sang oxygéné tout en les suspendant dans des incubateurs qui contiennent du liquide amniotique artificiel chauffé à température du corps.

Pendant un moment, quand on contemple ces fœtus de chèvres, cela ressemble étrangement à l’imagination du couvoir central de Aldous Huxley. En fait, au cours des dernières décennies, la médecine s’est concentrée sur les phases de début et de fin de grossesse, le temps nécessaire à l’intérieur du corps a été réduit. Cependant, nous avons encore un long chemin à parcourir avant de créer une gestation totalement artificielle. Mais nous sommes à un moment où le fœtus, durant sa période obligatoire dans le ventre, n’est plus inaccessible, n’est plus hors de portée des interventions médicales.

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L’utérus artificiel existe.

L’avenir de la médecine reproductive se trouve dans différentes technologies. Il y a la néonatologie, qui accomplit des miracles avec les prématurés. Il y a la chirurgie fœtale, qui intervient de façon spectaculaire pendant la grossesse pour prévenir les anomalies qui tuent et handicapent les nouveau-nés. Il y a la méthode de procréation médicalement assistée, connue sous le nom de fécondation in vitro. Et puis, forcément, il y a la génétique. Toutes ces technologies sont essentiellement nouvelles, et avec elles viennent des questions d’éthique tellement fortes que même les inventeurs de ces miracles semblent à moitié effrayés de la tournure que cela pourrait prendre.

Entre l’utérus et l’air

La néonatologie moderne est une histoire relativement récente : quelques décennies de progrès phénoménaux et les médecins qui réaniment les nourrissons nés avec 16 ou 17 semaines d’avance, les bébés pesant moins de 500 grammes. Ces bébés qui ont un très faible poids à la naissance, ont un taux de survie de 10 pour cent. Les néonatologistes expérimentés sont très réticents à l’idée de repousser les limites encore plus loin ; de nombreuses recherchent visent désormais à réduire la morbidité grave de ces prématurés extrêmes qui survivent.

« Le liquide préserve la structure et la fonction des poumons », explique Thomas Shaffer, professeur de physiologie et de pédiatrie à l’école de médecine de l’Université Temple située à Philadelphie. Il travaille sur la ventilation liquide depuis près de 30 ans. À la fin des années 1960, il a cherché un moyen d’utiliser la ventilation liquide pour prévenir l’accident de décompression qui survient notamment lors des plongées en eaux profondes. Sa technologie a été présentée dans le livre « Abysses ». En tant qu’étudiant postdoctoral en physiologie, il a commencé à travailler avec les enfants prématurés. Tout au long de la gestation, les poumons fœtaux sont remplis de  liquide pulmonaire. Il pensait sans doute qu’en ventilant ces bébés avec du liquide qui contient beaucoup d’oxygène, cela offrirait un moyen plus sûr, plus doux pour que ces poumons fragiles atteignent l’objectif nécessaire qui est de respirer l’air. Le barotraumatisme pulmonaire serait ainsi réduit ou éliminé.

Aujourd’hui, dans les laboratoires quelque peu labyrinthiques de Shaffer à Philadelphie, vous pouvez trouver un ventilateur avec des réglages de pression qui semblent étonnamment bas ; cette machine est réglée à des pressions qui ne pourront jamais forcer l’air à entrer dans les poumons raides du nouveau-né. Et puis il y a le long cylindre bouillonnant où un liquide spécial par fluorocarbone peut être passé par l’oxygène, ramasser et absorber des quantités de molécules d’oxygène. Cette machine remplit les poumons avec un fluide qui s’écoule dans les minuscules passages et sacs d’air d’un poumon humain prématuré.

Shaffer se souvient, il n’y a pas longtemps, quand beaucoup de gens pensaient que l’idée était absurde, quand son équipe était la seule à remplir les poumons humains de liquide. Maintenant, la ventilation liquide est citée par de nombreux néonatologistes comme la prochaine étape importante pour le traitement des nouveau-nés prématurés. En 1989, on a réalisé les premières études sur l’homme, en offrant une ventilation liquide pour les nourrissons qui n’avaient aucune chance de survivre avec la thérapie conventionnelle. Les résultats étaient prometteurs, et de plus grands essais sont actuellement en cours. Une société pharmaceutique a développé un fluorocarbone liquide qui a la capacité de transporter une grande partie de l’oxygène dissous et du dioxyde de carbone, il y a 50 millilitres d’oxygène dans 100 millilitres de liquide. En mettant le liquide dans les poumons, Shaffer et ses collègues affirment que les sacs pulmonaires peuvent se développer à une pression beaucoup plus faible.

« Je ne voudrais pas repousser la limite d’âge gestationnel », déclare Shaffer. « Je veux éliminer les dommages. » Il dit qu’il croit que cette technologie peut devenir la norme. Depuis les années 2000, ces techniques peuvent être disponibles dans les grands centres. Pressé de spéculer sur un avenir plus lointain, il imagine un bébé prématuré dans un liquide amniotique artificiel et une respiration liquide à un stade intermédiaire entre l’utérus et l’air.

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